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Il y avait un petit bouleau appuyé contre le mur. Cet angle était formé par la réunion des deux murs, l’un donnant sur le chemin de fer de la rive gauche qui coupe en deux le bois de Satory, car tous les « bois » de mon couvent avaient été pris sur le joli bois de Satory. L’autre mur était le mur du cimetière.

Papa, maman, ma tante, tous, m’avaient donné de l’argent. J’avais, je crois, quarante ou cinquante francs, et je voulais tout donner au père Larcher pour m’acheter des graines.

La Supérieure sourit et fit appeler mère Économe et mère Sainte-Appoline. À l’une, je dus remettre mon argent, sauf vingt sous qu’elle me laissa en me disant : « Quand vous n’en aurez plus, fillette, vous viendrez en chercher. »

Puis mère Sainte-Appoline, qui était professeur de botanique, me demanda ce que je voulais comme fleurs.

Ah ! ce que je voulais comme fleurs ?… Je voulais tout !

Elle commença un petit cours en me disant que toutes les fleurs ne poussaient pas à la même époque. Puis elle prit de mon argent à l’Économe et, le remettant au père Larcher, lui dit de m’acheter une pelle, un râteau, une binette et un arrosoir. Plus quelques graines et quelques plantes dont elle lui remit la liste.

J’étais radieuse.

Et je revins avec mère Sainte-Sophie qui me conduisit au réfectoire. On allait dîner.

Quand j’entrai dans cet immense réfectoire, je restai interdite, bouche bée… Plus de cent jeunes filles et fillettes étaient là, debout pour le Benedicite.

A la vue de la Supérieure, tout le monde s’inclina