J’avais des toc-marteau dans une petite boite, et cinq araignées dans une cage que m’avait fabriquée le père Larcher avec de la toile métallique. Méchamment, je donnais des mouches à mes araignées qui, grasses et bien nourries, travaillaient à faire leur toile. Et bien souvent pendant la récréation, la cage sur un banc ou un tronc d’arbre, nous restions dix, douze fillettes groupées autour de cette cage à regarder l’étonnant travail de ces petites bêtes. Puis, importante et fière, quand j’apprenais qu’une compagne s’était coupée, je me rendais près d’elle : « Viens, je vais t’envelopper ton doigt : j’ai de la toile d’araignée toute fraîche. » Et armée d’un petit bâton tout mince, je prenais la toile d’araignée que j’enroulais gravement autour du doigt blessé. « Et maintenant, mesdames Araignées, il faut recommencer votre travail ! » Et mesdames Araignées recommençaient, actives et minutieuses.
J’étais une petite autorité. On me prenait pour arbitre dans les questions à trancher. On me faisait des commandes pour les trousseaux des poupées en papier.
À cette époque, faire le grand manteau d’hermine avec la palatine et le manchon était un jeu pour moi. Et cela remplissait d’admiration toutes mes camarades. Je faisais payer mes trousseaux, selon leur importance : deux crayons, cinq plumes tête-de-mort, deux feuilles de papier blanc.
Enfin j’étais devenue une personnalité, et cela suffisait à mon orgueil d’enfant.
Je n’apprenais rien. Je n’avais jamais la croix. Et je ne fus qu’une fois au tableau d’honneur ; pas comme une élève studieuse, mais pour acte de courage : j’avais retiré de la grande mare une petite fille qui voulait attraper des grenouilles. La mare se trouvait dans le