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Je an’enfermai toute la matinée et, après mille et une discussions avec moi-même, je me décidai ù envoyer ma démisaion à la Comédie. J’écrivis donc cette lettre à M. Perrin, le 18 avril 1880 :

Monsieur l’Administrateur,

Vous m’avez forcée à jouer alors que je n’étais pas prête. Vous ne m’avez accordé que huit répétitions sur la scène, et la pièce n’a été répétée que trois fois dans son ensemble. Je ne pouvais me décidera paraître devant le public. Vous l’avez absolument exigé. Ce que je prévoyais est arrivé. Le résultat de la représentation a dépassé mes prévisions. Un critique a prétendu que j’avais joué Virginie de L’Assommoir au lieu de dona Clorinde de L'Aventurière. Que Zola et Émile Augier m’absolvent. C’est mon premier échec à la Comédie, ce sera le dernier. Je vous avais prévenu le jour de la répétition générale. Vous avez passé outre. Je tiens parole. Quand vous.recevrez cette lettre, j’aurai quitté Paris. Veuillez, Monsieur l’Administrateur, recevoir ma démis sion immédiate, et agréer l’assurance de mes sentiments distingués. — Sarah Bernhardt.

Pour que cette démission ne puisse être discutée au comité, j’envoyai ma lettre copiée aux journaux Le Figaro et Le Gaulois, qui la publiaient au moment où M. Perrin la recevait. Puis, décidée à ne pas me laisser influencer, je partis de suite avec ma femme de chambre pour Le Havre. J’avais donné l’ordre de ne dire à personne où j’étais, et je restai toute la soirée de mon arrivée dans le plus strict incognito. Mais, le lendemain matin, des gens m’avaient reconnue et avaient télégraphié à Paris. Je fus assaillie de reporters.

Je m’étais enfuie du côté de La Hève, où je restai tout le jour étendue sur les galets, malgré la pluie froide, qui