Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/496

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ne cessa pas une minute de tomber. Je rentrai à l’hôtel Frascati, glacée ; et j’eus, la nuit, une fièvre assez violente pour qu’on dût faire chercher le docteur Gilbert.

Mme Guérard, appelée par ma camériste affolée, vint me rejoindre, et je restai deux jours sous l’influence d’une mauvaise fièvre chaude. Pendant ce temps, les journaux ne cessaient de verser des torrents d’encre sur du papier. Cette encre se changeait en fiel, et je fus accusée des pires méfaits.

La Comédie envoya un huissier frapper à mon hôtel de l’avenue de Villiers ; et cet huissier déclara qu’après avoir frappé trois fois à la porte, nul être n’ayant répondu, il avait laissé copie, etc., etc., etc..

Cet homme mentait. Il y avait, habitant l’hôtel : mon fils et son précepteur, mon intendant mari de ma femme de chambre, mon maître d’hôtel, la cuisinière, la fille de cuisine, la seconde femme de chambre et cinq chiens ; mais j’eus beau protester contre cet homme qui représente la Loi, ce fut chose inutile.

La Comédie devait, d’après ses règlements, me faire trois sommations ; elles ne furent pas faites, et le procès s’engagea contre moi. Il était perdu d’avance.

Maître Allou, avocat de la Comédie-Française, inventa de méchantes petites histoires. Il se donna la joie de me rendre tant soit peu ridicule. Il avait un dossier formidable de lettres de moi à Perrin, lettres toujours écrites dans un moment d’attendrissement ou de colère. Perrin les avait toutes gardées, mes lettres, même les plus petits mots. Moi, je ne gardais aucune des siennes ; et les rares lettres qu’on a publiées de Perrin à moi ont été données par lui-même, après les avoir relevées dans son livre de copies. Bien entendu,