J’adorais maman ; mais avec un attendrissant et fervent désir de la quitter, de ne plus la revoir, de la sacrifier à Dieu. Quant aux autres, je ne les voyais pas. J’étais grave et un peu revêche.
Il y avait eu, quelque temps auparavant, une prise de voile au couvent, et je ne pensais qu’à cela.
Cette cérémonie du baptême me conduisait vers mon rêve. Je me voyais déjà comme la sœur novice qui venait d’être admise religieuse. Je me voyais par terre, recouverte du pesant drap noir à la croix blanche, les quatre lourds flambeaux placés sur les quatre coins du drap. Et je formai le projet de mourir sous ce drap. Comment ? Je ne sais. Je ne songeais pas à me tuer, sachant que c’était un crime. Mais je mourrais ainsi. Et mon rêve galopant, je voyais l’effarement des sœurs, les cris des élèves ; et j’étais heureuse de tout l’émoi dont j’étais cause.
Après la cérémonie du baptême, ma mère demanda à m’emmener. Elle avait loué, boulevard de la Reine, à Versailles, une petite maison avec jardin, pour mes jours de sortie. Elle avait tout fait arranger avec des fleurs pour ce jour de fête, voulant fêter le baptême de ses trois filles. Mais il lui fut doucement répondu que, devant faire ma première communion dans huit jours, j’entrais en retraite.
Maman pleura. Et je me souviens encore avec tristesse que cela ne me fit rien, au contraire.
Quand tout le monde fut parti, et que je montai dans la petite cellule que j’habitais depuis huit jours déjà et que j’allais habiter une semaine encore, je tombai à genoux et, exaltée, j’offris au bon Dieu le chagrin de maman : « Vous avez vu, Seigneur, mon Dieu ! maman