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V


Cauterets n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. C’était un abominable et charmant petit trou feuillu, touffu, avec quelques rares maisons et beaucoup de cahutes de montagnards. Il y avait des ânes qu’on louait aux habitants, et qui nous conduisaient en haut des montagnes par des chemins fous.

Moi, j’adore la mer et la plaine, mais je n’aime pas les montagnes, ni les forêts. La montagne m’écrase. La forêt m’étouffe. Il me faut à tout prix de l’horizon à perte de vue, et du ciel à perte de rêve.

Je voulais monter sur les montagnes pour ne plus qu’elles m’écrasent. Et nous montions toujours ! toujours plus haut !

Maman restait à la maison avec sa douce amie, Mme Guérard. Maman lisait des romans. Mme Guérard brodait. Et elles restaient toutes deux silencieuses. Chacune bâtissait son rêve, le voyait s’écrouler, et le recommençait.

La déjà vieille Marguerite, la seule servante que maman eût emmenée, venait avec nous. Rieuse et hardie,