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au large de l’écueil

autrement ? Seraient-ils, seraient-elles autre chose qu’une race de « porteurs d’eau » ?…

— Les Anglais ont du cœur, mon fils, et j’en suis convaincu… Mais il est un problème que je ne puis résoudre… Ils apprennent notre histoire… La légitimité de notre cause devrait nous gagner leurs sens de la justice, la vaillance des nôtres émouvoir leur respect du courage malheureux… Eh bien ! non, je te le répète, ils nous dédaignent, parfois même ils nous haïssent… Ils admirent les Japonais, alors qu’ils nous refusent Carillon et Montmorency !… Je sais qu’il s’agit, pour eux, de défaites !… Cela n’est pas une raison : est-il un Canadien-Français qui nie sa gloire au grand Wolfe ?…

— Ils l’apprennent, notre histoire… reprit Jules. Mais vous savez ce que c’est, au collège, apprendre l’histoire… C’est la corvée des dates à retenir, le poids des faits à traîner dans le cerveau !… Ils n’essayent pas de s’assimiler l’âme canadienne-française, ne pénètrent pas l’essence réelle de nos revendications… N’en est-il pas de même de nous, mon père ? Nous apprenons l’histoire, nous nous indignons contre eux… C’est notre devoir, oublier serait lâ-