Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/144

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content de me savoir là !… François, ne meurs pas, je te le défends !… Ta vie m’appartient bien un peu, je suppose, puisque la mienne est la tienne !… Reprends tes sens ! que ton visage est pâle, comme un cierge !… Ah ! parle-moi, je le veux !… Avec votre aide, mon Dieu !…

La voix s’affaisse, est moins véhémente, plus chargée de molle tendresse. Germaine oublie que Lucile entend, qu’elle devine, qu’elle est remuée. Des mots câlins, suivis de murmures qui sont des caresses, implorent, enveloppent, gémissent tout bas, mystérieusement. Des fraîcheurs d’aurore attiédissent l’atmosphère : l’ombre de la mort recule, chassée par le gazouillis profond de la vie… Tout l’être de Lucile est suspendu à la voix d’amour qu’elle écoute, immobile, les yeux graves d’un vague espoir et de pensée. La vingtième année fredonne en son cœur. Elle n’a jamais aimé : elle en avait le pressentiment, elle n’en doute plus. Cette douceur, au fond d’elle-même, demeure limpide, parce qu’elle ne s’embrouille pas d’analyse, de réflexions laborieuses. Les phrases suppliantes de l’affection la plus vive, les monosyllabes jetés dans un souffle inexprimablement doux lui révèlent superbe et sacré l’amour : elle en subit la force, la grandeur, la répercussion en elle-même, l’éternité sans qu’elle en ait conscience. Rien d’inférieur