Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
CE QUE DISAIT LA FLAMME…

auprès de sa famille ! Cela avait été leur vie entière, à tous ceux de la maison désolée de là-bas, cette peur de la mort. Et le fils du maître n’en sait rien… Elle se sent bien étrangère ici, bien inférieure, et son cœur en est oppressé.

D’une voix plus douce, parce qu’il attribue la brusque pâleur de la jeune fille au chagrin, Jean a repris :

— Il ne faut pas vous désespérer, Mademoiselle. On en revient, même d’une rechute… Vous avez tort de craindre : il faut oublier la mort aussi longtemps qu’il y a un espoir… Je suis médecin : me permettez-vous d’aller visiter votre père ?

— Oh ! que je vous remercie pour lui ! s’écrie-t-elle, ses yeux s’humectant de reconnaissance et dévoilant au jeune homme la sourde tendresse d’une âme exubérante.

— Dieu ne vous enlèvera pas un père que vous aimez si bien ! dit-il, ému d’une singulière tristesse.

Elle n’a rien à répondre. Son cœur a soulevé jusqu’aux paupières deux larmes jaillissantes. Jean les voit lentement glisser, douces comme l’amour et lourdes comme la souffrance. Une exclamation intérieure, cri impulsif et profond de pitié lui monte aux lèvres, il voudrait lui dire : « Pauvre enfant ! je comprends votre pei-