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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

et qu’elle s’en réjouisse, triomphe, s’enlaidisse d’intérêt. Eh ! bien, oui, il faut qu’elle demeure intégrale en sa dignité, qu’elle ne soit pas ravie par l’éclat de la situation. Il n’est pas assez tard pour qu’elle apprenne un tel amour : voilà pourquoi il s’évertue à refroidir tous les mots embrasés qui débordent, à pacifier l’émoi qu’ils stimulent, à détourner l’espérance qui chaque fois peut en éclore. Ne vaut-il pas mieux prolonger l’heure indécise et suave jusqu’au jour où, plus amoureuse, entièrement, profondément, il n’y aura plus de place en elle que pour la félicité d’être aimée ?…

Ne vient-il pas de parler encore avec trop de chaleur et de rêverie ? De nouveau, il détruira la violente impression en elle.

— Que nous sommes graves, mademoiselle ! s’exclama-t-il, enjoué.

— « Vous en êtes responsable, Monsieur Fontaine », réplique Lucile, vive à feindre l’insouciance. Un bonheur aigu, vague, entrait jusqu’aux profondeurs les plus sensibles d’elle-même : il n’a pas été détruit par la gaieté du jeune homme, mais il est devenu étrange, presque de la souffrance…

— Je suis donc bien coupable ? dit Jean, moins léger, sourdement torturé par la justice du reproche.