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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

— Mais tu ne les as pas perdus ! Ils vont revenir, ils reviennent ! Le regret, c’est le désir…

Ce n’est plus eux qu’Yvonne caresse, l’amour de Lucien Desloges les a bannis, leur a fait succéder en son imagination qu’ils subjuguaient, des ambitions autres, fiévreuses, éblouissantes. Riches tous deux, ils régneront dans la société québécoise. Leur salon sera le plus rutilant, le plus à la mode, le plus rempli de gens cossus et de personnages retentissants. Ils engloutiront tous leurs rivaux sous l’avalanche du faste et des extravagances. C’est le rêve de Lucien, du luxe ici, du luxe là, du luxe à foison et partout, chatoyant, raffiné, le plus récemment inventé. Il faut qu’on le recherche, qu’on le célèbre et qu’on l’envie. Sa femme sera la plus exquise, la plus magnifiquement attifée. Elle étendra sa gloire mondaine, en sera le rayon le plus délicat. La beauté d’Yvonne si éclatante l’avait frappé : l’auréole des cheveux d’or lumineux, la flamme intense des yeux rieurs, le rose satiné des joues, l’ivoire des dents si pur entre les lèvres pourpres et flexibles, tout le visage réalisait pour lui le type de la femme étincelante. La jeune fille, désireuse de plaire et secrètement avertie par son intuition féminine, lui déroba ce qu’elle gardait encore d’idées graves et d’impulsions généreuses, ne lui ouvrit que ses trésors de grâce et