Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taira. « Poètes et visionnaires seraient jaloux », déclare-t-il. « Je suis mille fois le plus riche, soyons avare comme la mer.

Et, avec une cruauté de « bête féroce a, il raille, dans les chapitres intitulés Délires, ce à quoi son cœur et son imagination se sont jusqu’ici le plus attachés au monde ; il est sans pitié pour lui-même, sans pitié pour les créations antérieures de son génie.

De temps en temps, un Éclair vient sillonner sa nuit Tu travailleras à la sueur de ton front ! C’est la parole de Dieu à Adam après le péché, reprise par « l’Ecclésiaste moderne, c’est-à-dire Tout le monde ». Hélas ! il a « horreur de tous les métiers » ; le laboureur, ainsi que l’écrivain, le dégoûte : « la main à plume vaut la main à charrue » ; il n’aura jamais sa main… Et l’éclair s’efface. Le damné retombe dans l’obscurité, bientôt resillonnée de la fulgurance, qui montre maintenant le travail et le salut dans le sacerdoce ou dans le cloître[1]… La nuit se referme,suggérant l’idée du suicide.

Est-ce l’aube qui pointe


Non non à présent — s’écrie Rimbaud — je me révolte contre la mort ! Le travail paraît trop léger à mon orgueil ma trahison au monde serait un sup-

  1. Dans l’ébauche de Délires II déjà citée, on lit : « Quel cloître possible pour ce beau dégoût ! »