Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/111

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Et bien doit-elle aimer l’honneur de voir reluire
L’astre qui luy faisant sa douceur esprouver,
Aima mieux la sauver et la pouvoir destruire,
Que non pas la destruire et la pouvoir sauver.
Non, ceste ville auguste (invincible monarque)
Ne sçauroit desormais fleurir qu’à vostre honneur,
Sa grandeur n’estant plus qu’une eternelle marque
Et de vostre clemence et de vostre bon-heur :
Qu’un autre l’ait fondee et ceinte de murailles,
Qu’un autre ait fait l’empire en ses murs resider,
Vous, vous l’avez sauvee au milieu des batailles,
Et sauver une ville est plus que la fonder.
Aussi m’est-il advis que je voy son genie
Tout couronné de tours et tout ceint de rempars
Detestant à vos pieds l’injuste tyrannie
Qui la donnoit en proye à la rage de Mars,
Vous dire incessamment, ô grand roy qui pardonnes
Dés que le ciel a mis la vengeance en tes mains,
Il n’appartient qu’à toy de porter les couronnes
Qu’on donnoit aux sauveurs des citoyens romains.
Ce que fut un Camille à sa ville captive,
La celeste bonté fait que tu me le sois :
Qui, comme luy de Rome alors serve et plaintive,
As chassé de mon sein tant de mauvais françois :
Donné la vie à ceux dont l’ingrate insolence
Dressoit contre ton cœur le poignard insensé,
Et fait voir au pardon de mainte griève offense,
Avec quelle injustice on t’avoit offensé.
De combien de mutins que les loix de l’espee
Condamnoient à sentir les rigueurs du trespas,
As-tu rendu la crainte heureusement trompee,
Les pouvant mettre en poudre et ne le faisant pas ?
Par quels traits de clemence illustrans ta memoire
De tes ennemis mesme as-tu gaigné le cœur,
Certain que qui sçait bien se vaincre en sa victoire,
Est vrayment invincible, et doublement vainqueur ?
Je