Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/125

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Dés qu’il reçoit la vie il asseure la tienne,
Et te rend en naissant le bien qu’il a de toy.
De nombrer les lauriers que le ciel luy destine,
C’est chose qu’Apollon reserve à sa Cortine :
Mais bien peut-on prévoir des yeux du jugement,
Combien, en pratiquant tes vaillans exercices,
À vingt ans te rendra de glorieux services
Celuy qui t’en fait tant en naissant seulement.
Puisse-il faire qu’un jour l’Europe assujettie
Soit de ton juste empire une seule partie,
Où sa gloire fleurisse ainsi comme d’un dieu :
Tant qu’en fin se monstrant en égale balance,
Aymé pour sa justice et craint pour sa vaillance,
Desja chenu par l’âge il succede à ton lieu.
Cependant qu’il apprenne à te suivre à la trace,
Et qu’entre tes vertus de bonne heure il embrasse
Ta valeur, ta bonté, ta clemence, et ta foy :
Non pour t’y surmonter, car qui le pourroit faire ?
Mais pour avoir l’honneur (sinon autre salaire)
De n’estre en ces vertus égalé que par toy.
Qu’il ayme les beaux arts dont les muses s’honorent
Et sçache que les ans toutes choses devorent
Fors les sacrez labeurs d’un illustre écrivain :
Que l’espee est sans nom qui ne doit rien au livre :
Et que pour acquerir l’honneur de tousjours vivre,
Si l’un ne parle point, l’autre combat en vain.
Qu’il ayme ses sujets : qu’il en soit le refuge :
Qu’il s’en rende advocat lors qu’il en sera juge :
Qu’il soulage leur dos le voyant opprimé :
Qu’il s’en estime pere, et qu’en soy-mesme il pense
Qu’un pere est malheureux qui par son inclemence
N’ayme point ses enfans, ny n’en est point aymé.
Qu’en escoutant les cris des ames les plus viles,
Beny, chery de tous il se rende inutiles