Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/193

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Les trois fatales sœurs chanterent sa naissance,
Et bruslant du laurier prédirent d’un accord
Que l’enfant nouveau né surmonteroit la mort :
Voyant ceste promesse aux vents s’en estre allee,
Et la foy des destins sans raison violee,
Constante elle ne peut ce malheur supporter,
Ains alla toute en pleurs s’en plaindre à Jupiter,
Qui lors environné d’une pompe divine
Banquetoit chez Tethis au fonds de la marine
Dans le sein des grands flots qui d’un pas ondoyant
Vont aupres de Tollon les Gaules costoyant :
Sejour que de tout temps l’antique dieu Neree
Cherit sur tous les lieux de la plaine azuree.
Là, sous les flots marins un roch est élevé,
Où, comme une grand’sale, un bel antre est cavé,
Qu’en observant les loix d’un superbe edifice
Il semble que nature ait fait par artifice :
Tant sa main imitant son propre imitateur
Y monstre et la richesse et l’esprit de l’autheur.
Nymphes de l’ocean, deesses nereïdes,
Qui gouvernez l’estat des royaumes humides,
Ne vous offensez point si je vois en parlant
De vos palais marins les thresors decelant,
Et si j’expose au jour ce que le sein de l’onde
Cache dans son abysme aux yeux de tout le monde.
Un jour le grand pasteur des monstres de la mer,
Qui se peut quand il veut soy-mesme transformer,
Pendant que son troupeau ronfloit dessus la rive,
Ravissoit mon oreille à ses mots attentive,
Racontant les beautez de ce roch merveilleux,
Et les riches tresors dont il est orgueilleux.
Car ce grand corps (dit-il) n’est qu’une opale entiere,
De qui l’ouvrage encor a vaincu la matiere,
Tant d’animaux divers, ny vivans, ny taillez,
Y semblent ou vivans ou par art émaillez,