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Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/195

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Voicy la France entrer qui triste, se jettant
Aux pieds de sa grandeur luy dit en sanglottant :
Pere, Ronsard est mort : où sont tant de promesses,
Qu’appellant à tesmoins les dieux et les deesses,
Tu me jurois un jour par les eaux de là bas,
Qu’il vivroit une vie exempte du trespas ?
Certes quand le malheur qui me portoit envie,
Rendit mon grand françois captif devant Pavie :
Et que les espagnols de mon mal triomphans,
Tremperent l’insubrie au sang de mes enfans :
Alors que de douleur profondement attainte,
Prosternee à tes pieds je te faisois ma plainte,
Nymphe, ce me dis-tu, console tes douleurs :
Ton roy sera bien tost vainqueur de ses malheurs :
Mais il faut que le cours des fieres destinees
Aille par ceste voye aux fins determinees
En l’eternel conseil de qui les sainctes loix
Disposent à leur gré des sceptres et des rois.
Cependant pour monstrer qu’icy bas je n’envoye
Nulle pure douleur ny nulle pure joye,
Sçaches que ce mesme an qui maintenant escrit
D’un encre si sanglant son nom en ton esprit,
Ce mesme an qui te semble à bon droit déplorable,
Te sera quelque jour doucement memorable.
D’autant que dans le sein du terroir vandomois,
Avant que par le ciel se soient tournez sept mois,
Un enfant te naistra dont la plume divine
Egallera ta gloire à la gloire latine,
Et par qui les lauriers naissans au double mont,
Autant que ceux de Mars t’ombrageront le front,
Je ne soufflay jamais du vent de mon haleine
Tant de divinité dedans une ame humaine,
Que j’en inspireray dedans la sienne alors
Qu’elle sera conjointe aux membres de son corps :
Afin que surmontant l’ignorance et l’envie
Il s’acquiere en la terre une immortelle vie :
Et que les seules fins de ce grand univers