Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/245

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Mes plaisirs s’en sont envolez,
Cedans au malheur qui m’outrage :
Mes beaux jours se sont écoulez
Comme l’eau qu’enfante un orage :
Et s’escoulans ne m’ont laissé
Rien que le regret du passé.
Ah ! Regret qui fais lamenter
Ma vie au cercueil enfermee,
Cesse de plus me tourmenter
Puis que ma vie est consumee :
Ne trouble point de tes remords
La triste paix des pauvres morts !
Assez lors que j’estois vivant
J’ay senty tes dures attaintes :
Assez tes rigueurs éprouvant
J’ay frappé le ciel de mes plaintes :
Pourquoy perpetuant mon dueil
Me poursuis-tu dans le cercueil ?
Pourquoy viens-tu ramentevoir
À ma miserable memoire
Le temps où mon cœur s’est fait voir
Comblé d’heur, de joye, et de gloire,
Maintenant qu’il l’est de tourmens,
D’ennuis, et de gemissemens ?
Vois-tu pas bien qu’en ces malheurs
Qui foulent aux pieds ma constance,
Je sens d’autant plus de douleurs
Que mon ame a de souvenance,
Et n’estant plus, suis tourmenté
Du souvenir d’avoir esté ?
Helas les destins courroucez
Ayans ruïné mes attentes,
Tous mes contentemens passez
Me sont des angoisses presentes :
Et m’est maintenant douloureux
D’avoir veu mes jours bien-heureux.
Ô