Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/250

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De ne plus engager la saincte liberté
Que ma mort t’a renduë, à nulle autre beauté,
Qu’à celle que les dieux t’ont desja destinee
Pour attacher ton cœur des chaisnes d’Hymenee.
Accorde moy ce bien pour comble de mes vœux
Que je sois la derniere, apres tant d’autres nœuds,
Qui t’aye estreint des laqs dont la beauté nous presse
Au volontaire joug d’une simple maistresse.
Et quand d’autres beautez s’offriront devant toy
Pour tenter ta constance et débaucher ta foy,
Lors que tu sentiras ton cœur prest à se rendre,
Dy soudain à part toy, repensant à ma cendre :
Les yeux de Caleryme en la tombe enfermez,
Qui ne sont plus que terre, et que j’ay tant aymez,
Defendent sans parler ceste erreur à mon ame :
Leur cendre encor aymee esteindra ceste flame.
Parlant ainsi sans feinte, et d’un chaste mespris
Rompant tous les liens qui croiront t’avoir pris,
Tu rendras ta constance illustre et memorable,
Et feras que mon ame (autrement miserable
Pour se voir à jamais absente de tes yeux)
Egalera sa gloire à la gloire des dieux,
Quand quelque bon genie accourant devers elle
Luy viendra raconter l’heur de ceste nouvelle.
Car je ne puis souffrir, sans mourir derechef,
Qu’une autre me succede à posseder la clef
Des genereux pensers qu’amour loge en ton ame,
Fors celle que les dieux te destinent pour femme.
À ces mots Anaxandre éclatant en souspirs :
Ô mon cher desespoir, ô fin de mes desirs,
Penses-tu (luy dit-il) que jamais ma pensee
D’autres nœuds que des tiens se retrouve enlacee ?
Penses-tu que cet oeil qui fut mon possesseur
En son fatal empire ait onc un successeur ?
Non, non, ma triste vie en tes laqs detenuë
N’est point par ton trespas si libre devenuë,
Que jamais elle puisse ailleurs se renchainer,
Puis qu’il faut estre à soy pour se pouvoir donner.
Je