Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et lors le piteux son de ses plaintes ameres
Qui mesle à ses regrets ceux des princes ses freres,
T’ayant fait souspirer sa constante amitié,
Tu verrois quant et quant avec quelque pitié
Plaindre autour de ton corps tes dames desolees,
De longs habits de dueil funebrement voilees :
Et contre le cercueil où reposent tes os
Faire un triste concert de cris et de sanglots.
Finalement tes yeux destournants leurs prunelles
Sur nous tes serviteurs plus constamment fidelles,
Tu nous verrois payer en pleurs ensanglantez
Ce que nous confessons devoir à tes bontez,
Et monstrer par l’ennuy qui nos cœurs tyrannise,
Combien sont esloignez de fard et de faintise
Les services qu’on rend sans espoir d’aucun bien,
Et lors que de les rendre il ne sert plus de rien.
Mais le voile eternel de la nuit qui t’enserre
Endormant tout le soing des choses de la terre,
En interdit la veuë aux yeux qu’il a bandez,
Et nous ne pleurons point pour estre regardez :
Ains pour en satisfaire à la juste contrainte
De l’extrême douleur dont nostre ame est attainte,
Voyant ravy du monde au milieu de son cours
Un vif astre d’honneur éclairant à nos jours,
Et convertye en cendre une parfaicte image
De franchise, de foy, de douceur, de courage :
Que la mesme bonté sembloit presque animer :
Que voir c’estoit cognoistre, et cognoissant aymer :
Et que le ciel rendit en vertu sans seconde,
Faisant de deux phenix un doux prodige au monde.
C’est pourquoy gemissants nous plaignons a-par-nous
Non nostre seule perte, ains la perte de tous :
Et plaignons d’autant plus ce mal-heureux naufrage,
Qu’en un si lamentable et sensible dommage,
Tous ayans part au mal, et nous le pleurants seuls,
Nous pleurons maintenant et pour nous et pour eux.
Advienne quelque jour que nos pleurs nous acquittent
De ce que tes bontez et ta grace en meritent :
Advienne