Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/270

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DE M. DE CLERMONT D’ANTRAGUES

Celuy de qui le corps repose en ceste place
Ne fut pas seulement d’antique et noble race,
Mais eut l’ame enrichie et l’esprit ennobly
Des plus rares vertus qui surmontent l’oubly,
Si la foy, la bonté, la valeur, la sagesse,
Sont l’ennoblissement de la mesme noblesse.
Car celuy qui soustient l’univers en sa main
Ne renferma jamais dedans un corps humain
Un esprit plus accort, plus exempt d’artifice,
Ny plus ferme et constant en la haine du vice.
Et quant à sa valleur, maints perilleux endroits
En ont fourny de preuve aux yeux de deux grands rois,
À qui d’un cœur fidelle il consacra sa vie,
Et pour qui sa vertu du malheur poursuivie,
Vengeant l’un, suyvant l’autre, et tallonnant ses pas,
Dessus les champs d’Yvry rencontra le trespas,
Au regret de son prince et de toute la France
Qui reverant sa foy conjointe à sa vaillance,
L’honora pour sa gloire et nostre reconfort,
De charges en sa vie, et de pleurs en sa mort.
Or n’est-il plus que cendre, et sa belle memoire
Seule dessus la Parque a gaigné la victoire,
Le faisoit derechef au monde revenir
Pour y vivre sans cesse en nostre souvenir,
Tout ainsi qu’à jamais il revit dedans l’ame
De celle que les cieux luy donnerent pour femme,
Qui cherissant la tombe où reposent ses os
Comme un lieu qui retient son propre cœur enclos,
L’enrichit de ce marbre, et dans sa sepulture
Pres de luy se prepare une maison future :
N’ayant autre plaisir fors celuy d’esperer
Que la mort quelque jour l’y fera demeurer,
Et que la mesme ardeur qui les souloit esprendre,
Ayant conjoint les feux, en conjoindra la cendre.

DE MME