Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La jalouse fureur d’une dame gottique
Plus qu’autre de son temps sçavante en l’art magique,
Et pour ses vains effects, impostures des yeux,
Venerable à Gernande au pair des demy-dieux :
Ses monstres abuseurs luy semblants des miracles,
Et ses termes sorciers des celestes oracles :
Encor qu’elle ne sceust par charmes enchanter
Le mal dont son esprit se sentoit tormenter
Par l’ingratte rigueur de son cruel Adee,
Le seul de tant d’amants qui l’avoient possedee,
Qu’avec plus de faveurs, de ruses, et de vœux,
Elle se travailloit d’arrester en ses nœuds :
Lors qu’Amour estant prest de la rendre contente,
La jeune et belle Aimonde en frustra son attente,
Le tira de son piege, et luy fist mespriser
Le fard dont les attraits le souloient abuser.
Il n’est point icy bas de malheur ny d’outrage
Qu’un esprit amoureux sente avec plus de rage,
Que de voir par bravade un autre luy ravir
Le bien à qui son cœur faict gloire de servir.
Il ne paist que de sang sa plus douce esperance :
Voudroit bien enterrer sa vie en sa vengeance,
Et tout plein de fureur deplore en son ennuy.
Plus que son propre mal, le triomphe d’autruy.
Ce fut aussi de là que prist son origine
La fiere inimitié dont ceste neuve Alcine
Animoit la fureur de son cœur sans mercy
Contre la belle Aimonde et contre Adee aussi.
Car l’un autant que l’autre irritant sa pensee,
Ainsi qu’également de tous deux offencee,
Elle s’estoit juré de les perdre tous deux :
Et fust-ce avec un coup sanglamment hazardeux,
Ou fust-ce avec un traistre et secret artifice,
Payer ceste vengeance, ainsi qu’en sacrifice,
Aux fureurs de son ame, et par elle appaiser
Les cendres de l’amour qui souloit l’embraser.