Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/299

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Dont le cœur d’un mary, mesme une ame jalouse,
Puisse estre son honneur blessé par son épouse.
Qu’il soit faux c’est tout un : mon esprit outragé
Cherche non d’estre instruit, mais de se voir vengé :
Vengez moy donc, demons : derechef t’en conjure
Vostre humeur d’elle-mesme assez prompte à l’injure.
Ayant dit ces propos en foible et basse voix,
Elle apella Gernande, et l’ayant fait trois fois
Esteindre et r’aviver la lumiere d’un cierge,
Y brusler du genest arrouzé d’huille vierge,
Et s’enclorre au milieu d’un cercle de metal,
Elle le laissa seul contempler ce cristal,
Où la premiere veuë en tremblant elancee
Ne monstra rien à l’oeil qui blessast la pensee,
Ny faisant voir qu’Aimonde un livre fueilletant,
Et devant elle Adee ainsi comme chantant.
Pour le second regard (car ces vaines images
Ne laissoient pas long temps contempler leurs visages,
Ains les traits s’en monstroient en peu d’heure obscurcis
Il les revit tous deux pres l’un de l’autre assis
Presser un mesme lit, et rendre par leurs gestes
Leurs jeunes privautez un peu trop manifestes,
Mesme aux yeux d’un mary, mesme aux yeux d’un jaloux
Qui d’un seul passe-droit les imagine tous.
Que vous diray-je plus ? Apres maintes rencontres
Des regards de Gernande avec les fausses montres
De ces ombres sans corps tantost apparoissants,
Et tantost du miroir leur image effaçants,
À la fin il les vit pareils à l’androgine
S’exercer és combats de Mars et de Cyprine.
Quel trait lors de douleur vint son cœur entamer
Nul, s’il ne la senty, ne le peut exprimer.
Tout le sang aussi tost luy fremit dans les veines :
Son poil se herissa : cent griffes inhumaines