Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/535

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Et que vous transformant en ce grand cardinal
Qui d’un sacré surgeon est icy le canal,
Toy divine Eusebie à qui mesme il ressemble,
Tu l’imposes au nom de vous toutes ensemble,
Apres qu’il aura faict resonner par six fois,
L’autre nom moins divin attendu des françois.
Allez : l’heure vous presse, et desormais l’attente
D’un mystere si sainct tout le monde tourmente.
Moy, je vois cependant, d’un vol aussi leger,
Chercher l’antre ou la peste est apprise à loger :
Et de la part du ciel asprement luy deffendre
D’estre si forcenee, et de tant entreprendre,
Que d’eslancer un seul des traits de son carquois
Sur la trouppe assemblee au grand palais des rois,
Où cet œuvre sacré royalement s’appreste,
Pendant que dureront les pompes de sa feste.
Sur ces mots l’ange part, et son vol fléchissant
Vers le triste Paris, à l’heure gemissant
Sous les coups inhumains de ce monstre homicide,
Il trouva la cruelle en un fond chaud humide,
Prenant desja sa trousse, et preste de voller
Au lieu mesme où le ciel luy deffendoit d’aller.
Les lambeaux mal-cousus d’un habit vieil et sale
Couvroient par-cy par-là son corps jaunement palle,
Sur qui de gros charbons ardamment enflammez,
En venimeux rubiz, estoient par tout semez.
Une soif invincible, une éternelle fiévre,
Luy desseichant la peau, luy palissoient la lévre :
Le souffle de sa bouche estoit un coup mortel :
Et luy servoit encor de mal-heureux hostel
Un lieu triste et relant, et que nul vent du monde
Fors celuy dont l’Afrique en automne est feconde
Ne pouvoit esventer, mais qu’un air étouffé
Couvroit de la vapeur d’un marets échauffé.
Pres d’elle, et tout autour, gisoient pour sa pasture,
Des fruicts qu’on voit soudain aller en pourriture :
Force melons tous verds, force raisins non meurs,
Des concombres mal-sains, la poison des humeurs,