Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/89

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CANTIQUE

DONT L’ARGUMENT EST PRIS DU 143. PSEAUME

DE DAVID


Benist soit le Seigneur, le grand Dieu des armees,
Dont la seule vertu rend mes mains animees
Aux glorieux travaux des Princes valeureux :
Qui m’apprend à combattre en gaignant des victoires,
Et par qui tout esprit entendant nos histoires
Me dira l’heureux Roy du siecle malheureux.

C’est luy qui me preserve au milieu des batailles,
Et rempare mon cœur d’invincibles murailles
Contre tous les ennuis qui l’osent assieger :
Luy seul n’ayant jamais mon attente trompee,
A fait mes ennemis tomber sous mon espee,
Et sous mon sceptre en fin mes subjets se ranger.

Seigneur, qu’est-ce que l’homme et la race mortelle,
Pour ne dedaigner point d’en prendre la tutelle,
Et loger en ton cœur le soucy de son bien ?
Tu luy soubmets le ciel, l’air, et la terre et l’onde :
Et semble que la main ouvriere de ce monde
Qui de rien crea tout, crea tout pour un rien.

Car en fin, ô Seigneur, l’homme n’est rien qu’un songe
Qui de songes menteurs se repaist et se ronge
En son plus ferme estat n’ayant rien de constant ;
Une ombre que le jour dissipe à sa venuë :
Un éclair allumé dans le sein de la nuë ;
Dont l’estre et le non estre ont presque un mesme instant.

Seigneur, baisse ton ciel, et tout ceint de tonnerres
Descends en ta fureur sur ces maudites terres.