Page:Berthelot - Discours de réception, 1901.djvu/48

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Après vous avoir entendu, nous sommes encore plus assurés que Joseph Bertrand, dans un ordre de spéculations accessible à très peu de cerveaux, fut un maître et un créateur.

Voilà, nous les profanes, tout ce que nous savons ici. Nous savons qu’il y a une science des nombres, dont nous avons été à peine capables de balbutier l’abécédaire ; que quelques privilégiés seulement y peuvent faire des découvertes qui les ravissent, qui les font vivre dans une espèce de rêve dont le délice nous est inconnu, et d’où, cependant, sortent quelquefois des inventions pratiques qui transforment l’industrie humaine et profitent à l’humanité tout entière. Il y a, dans la gloire de ces hommes, un mystère qui nous la rend plus sacrée. On les voit un peu du même œil que les Égyptiens voyaient les prêtres d’Isis. Le monde entier, le peuple et les lettrés qui, là-dessus, sont aussi ignorants que le peuple, les vénèrent sans rien comprendre à ce qu’ils font. Nous les sentons bienfaisants et lointains.

Et nous les sentons heureux d’une autre façon que nous. L’imagination des nombres et de leurs relations, portée au degré où elle devient du génie, doit faire, aux rares mortels qui en sont doués, une vie intellectuelle notablement différente