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Page:Berthelot - Discours de réception, 1901.djvu/49

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de la nôtre. On devine qu’ils sont des poètes à leur manière, qu’ils jouent avec les nombres comme les poètes de la parole écrite jouent avec les images concrètes. Le monde des nombres et des formes géométriques que les nombres traduisent est sans doute un infini aussi émouvant que l’univers des formes sensibles. Or celui-ci n’est point fermé aux mathématiciens ; mais l’accès de leur univers nous est interdit. N’avons-nous donc pas quelque raison de croire que, si la vie est le songe d’une ombre, leur songe est plus complet que le nôtre, et que l’enchantement en est double !

Ce qui me reste à faire, c’est de conter quelques anecdotes sur Joseph Bertrand. On sait qu’il avait été un enfant d’une extraordinaire précocité, une sorte d’ « enfant prodige » . À quatre ans, une fluxion de poitrine le retint longtemps au lit. La mère donnait des leçons de lecture à son fils aîné près du lit du petit malade. Très attentif sans en rien dire, Joseph étudiait et repassait dans sa tête les assemblages de lettres et de syllabes. On lui avait donné un livre d’histoire naturelle, tout plein d’images. La mère fut bien surprise, et plus joyeuse encore, lorsque, un jour, elle l’entendit lire couramment : la Brebis et le Chien-Loup. Joseph Bertrand se souvenait