Page:Berthelot - Les origines de l'alchimie, 1885.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
LES ORIGINES MYSTIQUES

Mais ces diverses sciences étaient réunies à l’origine et cultivées par les mêmes adeptes.

On s’explique dès lors pourquoi Dioclétien fit brûler en Égypte les livres d’alchimie, ainsi que les chroniqueurs nous l’apprennent[1].

Dès la plus haute antiquité d’ailleurs, ceux qui s’occupent de l’extraction et du travail des métaux ont été réputés des enchanteurs et des magiciens. Sans doute ces transformations de la matière, qui atteignent au delà de la forme et font disparaître jusqu’à l’existence spécifique des corps, semblaient surpasser la mesure de la puissance humaine : c’était un empiétement sur la puissance divine.

Voilà pourquoi l’invention des sciences occultes et même l’invention de toute science naturelle ont été attribuées par Zosime et par Tertullien aux anges maudits. Cette opinion n’a rien de surprenant dans leur bouche ; elle concorde avec le vieux mythe biblique de l’arbre du savoir, placé dans le Paradis terrestre et dont le fruit a perdu l’humanité. En effet la loi scientifique est fatale et indifférente ; la connaissance de la nature et la puissance qui en résulte peuvent être tournées au mal comme au bien : la science des sucs des plantes est aussi bien celle des poisons qui tuent et des philtres qui troublent l’esprit, que celle des remèdes qui guérissent ; la science des métaux et de leurs alliages conduit à les falsifier, aussi bien qu’à les imiter et à mettre en œuvre pour une fin industrielle. Leur possession, même légitime,

  1. D’après Jean D’Antioche, Suidas, les Actes de saint Procope : les passages de ces auteurs seront donnés plus loin.