Page:Bertheroy - La Ville des expiations.pdf/17

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ses traits avec des rides qui semblaient précoces ; peut-être avait-elle quarante-cinq ans. Ses cheveux, d’un châtain sans éclat étaient bien coiffés autour de ses tempes ; son profil penché conservait encore une ligne pure, le nez droit, la bouche aux lèvres nettes, le menton à peine épaissi ; tout son corps était mince, spirituel et léger. On sentait cependant qu’un poids, de douleur pesait sur elle ; cette puissance expansive de la joie, qui même au repos entoure les êtres d’une auréole visible ne flottait pas autour de ses tempes.

Elle devait aimer les fleurs ; sur le bahut, à côté d’elle, un vase trapu contenait un gros bouquet de pensées bleues. C’était la seule note gaie de cette pièce dont les meubles anciens presque noirs, robustes et lourds, faisaient figure d’ancêtres qui regardaient continuer la vie. Sans doute avaient-ils été là avant elle, et sûrement ils lui survivraient. Elle se souvenait du jour où elle était entrée dans cette demeure : elle venait d’avoir vingt ans ; le matin même elle avait épousé Antoine Brichard, qui était chef d’atelier dans une des plus riches fabriques de tissage de la ville, où l’on réalisait des ! merveilles d’art et de beauté. Elle l’aimait et il l’aimait. Elle avait quitté pour le suivre le quartier bas de la Cathédrale et elle était montée avec lui sur cette