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les vierges de syracuse

fixés sur les lèvres du grand Archimède. Bien qu’habitant le palais du roi Hiéron, il quittait peu ses appartements, toujours préoccupé de pénétrer plus avant dans les infinis mystères de la science ; et il oubliait pour cela de manger et de boire et même de prendre soin de son corps. En ce moment il n’avait sur lui qu’une chlamyde déchirée à l’épaule et plus longue devant que derrière, parce qu’en marchant il en avait à plusieurs reprises détendu l’étoffe. Son crâne était chauve, bossué et rugueux comme une pierre ; ses prunelles mouvantes d’un gris incolore se distinguaient à peine sous l’épaisseur de ses sourcils et de ses cils. Son nez était retroussé, de forme laide, trop petit pour son vaste visage. Mais sa bouche était le miracle de beauté de ce visage. La bouche d’Archimède n’était comparable à aucune autre bouche de mage ou de philosophe, pas même à celle du thaumaturge Empédocle, qu’Agrigente avait placé au rang des dieux. Elle était à elle seule l’expression et l’épanouissement de son esprit. Éclatante et vive, elle sortait de la barbe broussailleuse comme une fleur rouge sort d’un buisson ; et sur les pétales de ses lèvres les mots semblaient des oiseaux passagers qui ne s’arrêtaient que pour prendre haleine, avant de s’élancer dans les hauteurs de l’espace.

Ayant achevé d’expliquer à Dorcas ce qu’il fallait faire, Archimède se retourna vers le roi Hiéron :