Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/125

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tact et de prudence. Il riait de sa sagesse. Après avoir prononcé l’éloge de Bossuet, il reçut de l’archevêque de Toulouse des louanges très méritées ; il se frottait les mains et se réjouissait d’avoir si gravement joué à l’orthodoxie. S’il a pris trop de plaisir à ce jeu, le péché n’est pas grave. D’Alembert, très sérieux au fond, affectait de ne pas l’être. Voltaire lui a reproché quelquefois un langage trop éloigné de sa pensée.

« Vous me faites, lui répond un jour d’Alembert, une querelle de Suisse que vous êtes, au sujet du Dictionnaire de Bayle. Premièrement je n’ai pas dit :« Heureux s’il eût plus respecté la religion et les mœurs ! » Ma phrase est beaucoup plus modeste. Mais, d’ailleurs, qui ne sait que dans ce maudit pays où nous écrivons, ces sortes de phrases sont style de notaire et servent de passeport aux vérités qu’on veut établir ? Personne n’y est trompé.... » Il faut connaître la situation. « On vient, écrivait peu de temps après d’Alembert, de publier une déclaration qui inflige la peine de mort à tous ceux qui seront convaincus d’avoir composé, fait composer et imprimer des écrits tendans à attaquer la religion. »

« La crainte des fagots est très rafraîchissante », ajoute d’Alembert. C’est à ceux qui les préparaient que fait allusion ce mot de ralliement si connu : Écrasons l’infâme. Il avait cours entre amis seulement et les portes fermées ; on ne confiait pas les lettres à la poste. Quand on ne peut combattre en rase campagne, les embuscades sont permises. Qu’un