Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/136

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applaudir à l’expulsion franchement décidée et sans procédure, pour raison d’État ; mais les faux griefs, mêlés ou non à des accusations fondées, ne sauraient trouver d’approbateurs.

D’Alembert, remarquons-le bien, n’admet pas la fausseté des griefs, mais il déclare, sans nécessité par conséquent, que, les reproches eussent-ils été des calomnies, il faudrait se réjouir et approuver.

Telle n’était pas au fond, telle ne pouvait être sa doctrine. Deux ans après, à propos de la suppression des jésuites d’Espagne, il écrivait à Voltaire :

« Croyez-vous tout ce qu’on dit à ce sujet ? croyez-vous à la lettre de M. d’Ossun, lue en plein Conseil et qui marque que les jésuites avaient formé le complot d’attaquer, le jeudi saint, bon jour, bonne œuvre, le roi d’Espagne et toute la famille royale ? Ne croyez-vous pas comme moi qu’ils sont assez méchants, mais non pas assez fous pour cela, et ne désirez-vous pas que cette nouvelle soit tirée au clair ? Mais que dites-vous de l’idée du roi d’Espagne qui les chasse si brusquement ? Persuadé comme moi qu’il a eu pour cela de bonnes raisons, ne pensez-vous pas qu’il aurait bien fait de les dire et de ne pas les renfermer dans son cœur royal ? Ne pensez-vous pas qu’on pourrait permettre aux jésuites de se justifier, surtout quand on croit être sûr qu’ils ne le peuvent pas ? Ne pensez-vous pas encore qu’il serait bien injuste de les faire tous mourir de faim, si un seul frère coupable ou non s’avise d’écrire bien ou mal en leur faveur ? »