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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/191

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Guibert chez moi, il continue à me plaire extrêmement ».

Elle n’en disait rien à M. de Mora, en parlait à d’Alembert beaucoup moins qu’à Condorcet et beaucoup plus — il est impossible d’en douter — à M. de Guibert lui-même, qui ne s’en souciait guère. Pour Mlle de Lespinasse, toutes les passions étaient sœurs : en s’offrant à M. de Guibert, elle aimait M. de Mora avec une tendresse plus exaltée encore.

D’Alembert ici devrait nous occuper seul : il était impossible cependant de ne pas raconter en parlant de lui ces trahisons qui brisèrent sa vie.

D’Alembert sans connaître toute la vérité ne pouvait l’ignorer complètement. La dédicace de son portrait offert à Mlle de Lespinasse se terminait par ces deux vers, à la fois tristes et doux :


Et dites quelquefois en voyant cette image,
De tous ceux que j’aimai qui m’aima comme lui ?


Si elle était changée pour lui, d’Alembert ne le fut jamais pour elle. Moins savant que son amie dans les choses du cœur, il avait joui de son bonheur sans en être effrayé. Il croyait son amour endormi et en attendait le réveil ; c’est par les empressements de la tendresse la plus dévouée et de la plus affectueuse bonté qu’il combattait, sans jamais se plaindre, l’indifférence et les rebuts de cette âme troublée et inquiète, jusqu’au jour où, épuisée d’amour et de souffrance, impatiente surtout de tant d’indignités, elle hâta volontairement