Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/23

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journées de Juillet, et les passions qui se jetèrent plus tard dans la politique s’agitaient alors exclusivement dans la sphère des lettres. C’était alors le beau temps, l’âge d’or, et comme l’âge pastoral du mouvement romantique, l’ère des enthousiasmes «desespérances. Les succès poétiques, les apothéoses au théâtre, les agapes des cénacles avaient leur écho jusque dans les provinces. M. Sainte-Beuve qui a dépeint quelque part ces ivresses des premières années, indique fort bien la voie où prétendait marcher le Provincial, en disant qu’il essaya de remplir à Dijon le rôle honorable que tenait le Globe à Paris. Les fondateurs’ étaient le poëte Charles Brugnot, MM. Foisset, Riambourg, Maillard de Chambure, toute la fine fleur littéraire dijonnaise. Dès les premiers numéros, les adhésions illustres lui arrivent : de Chateaubriand (i),

(1) Une lettre de Chateaubriand est toujours bonne a citer. Celle-ci a particulièrement cet intérêt, de marquer le point de vue où l’on se plaçait alors dans la discussion littéraire, et quel rapport existait entre les doctrines politiques et les idées d’émancipation dans les lettres :

« Paris, 11 août 1828.

« Vous me faites beaucoup trop d’honneur, monsieur, en attachant a mon suffrage une importance qu’il ne peut avoir ; mais puisque vous voulez bien me demander ce que je pense de votre journal, je vous dirai, monsieur, qu’il me semble établir et défendre les doctrines les plus utiles aux hommes. Le Provincial croit qu’on peut être libre et chrétien, royaliste et constitutionnel; il ne dédaigne point le passé, ne calomnie pas le présent, et met son espérance dans l’avenir ; il appartient par ses rédacteurs à cette jeunesse grave, qui se divise en plusieurs classes,lesquelles peuvent différer de sentiment, mais qui toutes ont pour guide la conscience et cherchent sincèrement la raison et la vérité. Un pareil journal, monsieur, écrit avec indépendance, fermeté, talent et mesure, ne peut être qu’infiniment utile. 11 serait h désirer que les