Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/31

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été pour Louis Bertrand le plus accueillant des amis et le plus encourageant des protecteurs. C’est lui qui, au rapport de M. Pavie, le soir de sa présentation à l’Arsenal, l’alla reprendre dans le coin obscur où il s’était tapi après sa lecture ; c’était lui qui parvenait le plus facilement à délier la langue de ce poëte un peu dur à la confidence; c’est chez M. Sainte-Beuve, enfin, que dans ses perpétuels chassé-croisés de Dijon à Paris, Bertrand allait le plus volontiers toucher barre, et d’après le même témoignage, qu’il déposait ses manuscrits.

Dans ce récit de la soirée chez Nodier, M. Pavie ajoute quelques traits qui terminent, pour le buste et le costume, la figure peinte par Sainte-Beuve : — « Ses allures gauches, sa mise incorrecte et naïve, son défaut d’équilibre et d’aplomb, trahissaient l’échappé de province. On devinait le poè’te au feu mal contenu de ses regards errants et timides... Quant à l’expression de sa physionomie, un dilettantisme exalté s’y combinait avec une taciturnité un peu sauvage. » Œil vif, taciturnité, finesse, timidité engendrée par l’habitude d’une vie solitaire, et peut-être redoublée par la conscience de sa pauvre mine, nous avons l’homme tout entier. « Rêveur, capricieux, dit encore M. Sainte-Beuve, fugitif, ou plutôt fugace... même en ses accès de courte intimité, nous le perdions souvent de vue ; il disparaissait, il s’évanouissait