Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/311

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cette chère France, et pouvait-on composer un ouvrage de ce genre pour un pays dont le gouvernement cherchait, dans les auteurs classiques mêmes, pour la faire supprimer, la phrase qui pouvait blesser un conquérant, un tyran, ou rappeler une pensée généreuse ? Ces considérations aussi détournaient de prendre un sujet national ; d’ailleurs, la jeunesse surtout n’avait plus de patrie. » Après cet aveu qui prévient de notre part toute censure ultérieure, nous n’avons plus qu’à citer : c’est justice, si ce n’est éloge. Voici la description du plateau de Covafiel. (Liv. IX, p. 3i3.)

« Le vallon s’élève en ces lieux par une pente trèsrapide, et bientôt ce n’est plus qu’une gorge profonde, sauvage, et de plus en plus rétrécie par deux monts, entre lesquels l’Esla roule ses eaux de cascade en cascade. Elle’est fermée par un rocher, dont la base sortant du sein de la terre, remplit l’espace que deux traits pourraient franchir. Ce rempart naturel, couronné de pointes de rocs et des troncs de quelques arbustes, de chaque côté s’unit aux crêtes escarpées qui l’environnent, et qu’il domine encore. D’une espèce de fente ouverte transversalement au milieu, l’Esla s’élance en nappe brillante, et fait jaillir une pluie perpétuelle, que les rayons du soleil animent de l’éclat de l’arc-en-ciel ; le voyageur au loin s’arrête au bruit de cette cascade. Au-dessus du rocher, on voit l’ouverture d’une caverne profonde, dont la voûte garnie de stalactites et de cristaux, semble parsemée de bril-