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Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/121

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UNE ÉTAPE

des légumes en abondance dans le champ. L’odeur de la soupe chaude emplissait l’air, attendrissait ces hommes.

Soudain, un cri mit la compagnie en émoi : un chasseur venait de voir déboucher dans le village les fourgons de ravitaillement. Vaissette courut à la distribution. Il voulait tout surveiller, comme s’il eût été le capitaine. Les hommes de corvée s’offraient en masse. Ils revinrent avec la viande, des pains, du sucre, du café, du lard. Une joie immense illuminait ces malheureux.

Toute la compagnie par sections, par escouades, était allongée dans la prairie, derrière la grange. Des pruniers et des cerisiers y laissaient pleuvoir une ombre légère. On mangeait. Les rires et les cris emplissaient l’air. Nul ne songeait aux camarades fauchés quelques jours avant et dormant dans les plaines lorraines. Nul ne songeait aux périls de demain. On mangeait. Vaissette voulait goûter de toutes les soupes, de tous les ratas. On l’appelait à droite, à gauche. Il avait la bouche pleine. Il tenait entre les doigts des morceaux de viande chaude. Il se brûlait. Il jouissait d’une volupté