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Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/122

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L’APPEL DU SOL

physique aussi large, aussi rustique que celle des hommes. Il évoqua les repas que font les héros d’Homère ; et ce n’était point simplement une comparaison littéraire, mais il songeait que l’aède grec avait su dépeindre les héros tels qu’ils étaient, tels qu’ils sont dans tous les temps, et qu’en tous les temps aucun plaisir ne vaut celui de manger.

Vaissette en était à considérer une œuvre non plus par sa portée artistique mais par son souffle humain.

Et, debout au milieu de la prairie comme un pasteur gardant son troupeau, le lorgnon pendant sur sa chemise sale, car il avait quitté sa vareuse, le béret tiré sur les yeux pour les protéger du soleil, Vaissette déchirait à belles dents une tranche de viande bouillie. Il se dit, toujours songeant à l’Iliade :

— Une œuvre n’est éternelle que si elle est traversée par quelque frisson d’humanité…

Une clameur arrêta le cours de ses pensées. Le sergent rajusta son binocle pour en saisir la cause. C’était facile : Angielli et Diribarne débouchaient d’un cellier, suant, leurs muscles