Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/144

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« Il y a un moyen, dit-il, de tout arranger : c’est de te démettre de tes fonctions de flamine en faveur de Roccius. Je sais par des amis communs qu’à cette condition il ne formulera aucune plainte contre toi. Quant à mon père, qui est son collègue, je réponds de son silence…

– Je te rends grâce, dit Cécilius, de tes bons sentiments à mon égard ; mais ta démarche était inutile : depuis longtemps, j’ai l’intention de renoncer au flaminat. Le faire en ce moment, au prix que me propose Roccius Félix, serait une lâcheté. Je n’y consentirai jamais ! »

Marcus, un peu gêné par le ton péremptoire de son hôte, balbutia :

« Laisse-toi fléchir ! Il y va peut-être de ta vie !

– Qu’importe ! Je n’ai pas peur ! Tu peux le dire à Roccius ou à ceux qui t’envoient. »

Et il congédia assez rudement le visiteur.


Au milieu de ces tribulations, de cette effervescence continuelle du populaire, l’édit de persécution contre les chrétiens, qui menaçait depuis si longtemps, fut enfin promulgué. Au nom de Valérien et de Gallien Augustes, le crieur public l’annonça à son de trompe et le lut à haute voix dans tous les carrefours de la ville. Sans cesse, sur le forum, des groupes stationnaient devant le texte du rescrit impérial, affiché à la porte de la curie. On y lisait que « les évêques et les prêtres étaient requis de sacrifier aux dieux de Rome et au génie des Empereurs. Défense aux laïcs comme aux clercs de se réunir et d’entrer dans les cimetières, qui allaient être mis sous séquestre. Quiconque tiendrait une assemblée, ou y prendrait part, serait puni du dernier supplice… »

Ce fut une panique dans la communauté de Cirta, d’autant plus que les pires nouvelles arrivaient des églises voisines. Bientôt on sut que Carthage était en révolution et que Cyprien avait été une des premières victimes. Cécilius, tremblant pour la vie de son ami, reçut de lui une lettre, qui adoucit un peu son angoisse et où l’évêque lui