Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/61

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les catéchumènes… Avec moi, elle assiste à nos réunions. Mais, jusqu’ici, elle est restée tiède. Comme j’ai horreur de toute contrainte, j’attends que son cœur soit mûr pour plus de vérité… »

Un silence lourd suivit ces paroles. Cyprien n’osait pas regarder le visage de Cécilius. Devant eux, dans son cirque de pierre, Cirta flambait sur son rocher, qui barrait durement la vue.

« Écoute ! dit tout à coup Cyprien. Ce n’est pas l’évêque qui te parle, c’est l’ami… Natalis, tu sais combien je t’aime. C’est moi qui t’ai conduit au Verbe de Dieu, après avoir été amené moi-même à Lui par ton oncle, le vieillard Cécilius, saint prêtre de Carthage. Je lui ai promis, lorsqu’il est mort, de prendre soin de ton âme, autant que de celle de ses enfants. Cela me donne sans doute le droit de t’interroger sur cette âme. Eh bien ! je t’en supplie, réponds-moi en toute sincérité !… Tu ne crois plus, n’est-ce pas ?

– Si je crois ! » dit fermement Cécilius.

Et, après un moment d’hésitation, comme s’il cherchait ses mots, il ajouta, non sans un frémissement d’émotion :

« Comment ne croirais-je pas ? Je n’attends plus rien ni du monde, ni des hommes. Je sens que nous sommes à la veille de bouleversements terribles. L’Empire est pourri. Les Barbares sont aux portes. Les vieilles religions et les vieilles philosophies s’abîment dans les superstitions les plus basses ou dans les plus folles extravagances. Sur quoi m’appuyer, où tourner mes yeux, sinon là où je vois luire un peu de vérité et d’espoir ?…

– Je constate ta lassitude, dit Cyprien rudement, mais je cherche ta foi. Où est le Christ dans tes paroles, comme dans ta vie ? Encore un coup, crois-tu en lui ?

– Je crois ! répéta Cécilius.

– Jusqu’au martyre ?

– Oui, dit-il, jusqu’au martyre ! »