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le débutant

même, il ne voyait pas monsieur le curé passer, majestueux, devant les rangs de la petite armée écolière au complet. Quand tout le monde fut en place, mademoiselle Jobin dut le secouer par l’épaule pour lui faire comprendre qu’il était temps de lire l’adresse ornée de rubans roses, recopiée sur une large feuille parchemin.

Paul se leva, comme poussé par un ressort, fit quelques pas en avant, hésita, puis, s’inclinant, dit : « Très digne Pasteur, messieurs les commissaires… »

Que se passa-t-il, ce moment, dans l’âme du petit homme ?

L’adresse aux rubans roses roula sur le plancher, et Paul Mirot se sauva avant qu’on eût songé à l’arrêter.

Tout le jour, le pauvre orphelin, redoutant la colère de l’oncle Batèche, peut-être davantage les reproches de tante Zoé, erra dans les champs, se cachant derrière les buissons s’il voyait approcher quelqu’un de suspect. On devait tout savoir à la maison, on était assurément à sa recherche, et il frissonnait de terreur à la pensée d’avoir à expliquer son étrange conduite. Il sentait qu’il avait eu raison de faire ce qu’il avait fait ; mais, comment le démontrer aux autres ? Il se rappelait qu’au catéchisme, l’année de sa première communion, le jeune vicaire préparant les enfants de la paroisse à ce grand événement, lui avait prédit qu’il ne ferait jamais rien de bon. Et à propos de quoi ? Parce qu’il n’avait pas bien répondu à une question sur l’enfer. Il redoutait de s’entendre répéter la même chose, beaucoup plus que la pers-

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