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le débutant

le proverbe, sont presque toujours jeux de vilain. D’avoir pressé tant d’appas en sueur, sans la possibilité de se rafraîchir un instant, il revint de cette fête du carnaval campagnard, ayant fort mal à la tête et un peu mal au cœur. Et depuis, il avait renoncé aux chauds transports que procurent ces plaisirs rustiques.

Quant aux ripailles pantagruéliques qui avaient lieu tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, dans le voisinage, les époux Batèche et leur neveu n’y étaient jamais conviés. L’oncle Batèche ne voulait pas faire manger ses rôtis, ses pâtés chauds et ses saucisses par les amateurs de festins : il l’avait déclaré en plein conseil municipal et on lui en gardait rancune. D’ailleurs, la tante Zoé prétendait que les repas étaient d’invention diabolique, que c’était un crime de gaspiller tant de mangeaille pour remplir la panse d’un tas de salops et de salopes. Ces propos, répétés de bouche en bouche, avaient causé un émoi considérable dans la paroisse. On en parla, longtemps chez le marchand du village, après la messe, le dimanche, et à la porte de l’église. Aussi, à la fête de Noël, de même qu’au premier de l’An, Paul Mirot n’avait d’autre compagnie que l’oncle Batèche, discourant sur la culture de la betterave, et la tante Zoé, dévotement silencieuse.

Sans son goût pour l’étude, ce jeune homme, dont l’esprit était préoccupé de vagues projets d’avenir, aurait trouvé insupportable sa solitude. Mais l’hiver passa sans qu’il s’en aperçut. Vint la saison des sucres, et comme l’oncle Batèche parlait d’embaucher un jeune homme pour l’aider à faire couler sa sucrerie de huit cents érables, Paul Mirot lui offrit ses services, prétendant que cela lui ferait du bien. La tante Zoé lui fit observer qu’il trouverait peut-être le mois long. Mais son digne époux se récria. lui appren-

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