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le débutant

à de rares exceptions près, ne sont pas celles du journal. Il ne s’agit que de saisir l’occasion opportune pour tirer parti de la situation déplorable dans laquelle se trouve placée la presse canadienne, au point, de vue de l’avancement de nos compatriotes.

Tout en causant les deux amis étaient arrivés à la maison meublée de la rue Dorchester, où Paul Mirot avait élu domicile. Jacques Vaillant voulut voir l’installation de son nouveau confrère et monta chez lui. Ce n’était pas riche, pas joli, mais en attendant mieux il fallait se contenter de cette chambre assez mal éclairée par son unique fenêtre donnant sur la cour, avec un tapis usé et des fauteuils éreintés, portant l’empreinte de postérieurs gros et petits, masculins et féminins qui s’y étaient frottés aux heures de lassitude et d’abandon, depuis dix ans, vingt ans peut-être, qu’ils étaient sortis flambant neufs de chez le marchand de meubles.

L’inspection de la chambre terminée, Jacques Vaillant fit à Paul Mirot le portrait de leurs camarades, de leurs égaux du personnel de la rédaction. C’étaient tous de bons garçons, dont quelques-uns un peu maniaques, abrutis, par de nombreuses années d’un travail en quelque sorte mécanique et peu rémunérateur. Un seul ne lui plaisait guère, avec son allure de moine défroqué, ses manières de bigote sur le retour, sa façon de se voiler la face ou de se retirer à l’écart quand on racontait, après le journal, des histoires un peu lestes, ou que quelqu’un émettait une opinion pas tout-à-fait orthodoxe. Il était, en outre, peu soigneux de sa personne, ne se lavait jamais les dents et portait une chevelure que le peigne n’avait pu déflorer. Il ne fumait pas, ne buvait que de l’eau claire et baissait pudiquement les yeux si une femme se trouvait sur son passage. De mémoire de journa-

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