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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/12

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SATIRE I.

CONTRE L’AVARICE. (1817.)


 Heureux qui dans ses vers sait, d’une voix tonnante,
Effrayer le méchant, le glacer d’épouvante ;
Qui, bien plus qu’avec goût, se fait lire avec fruit,
Et, bien plus qu’il ne plaît, surprend, corrige, instruit ;
Qui, suivant les sentiers de la droite nature,
A mis sa conscience à l’abri de l’injure ;
Qui, méprisant, enfin, le courroux des pervers,
Ose dire aux humains leurs torts et leurs travers.
 Lecteur, depuis six jours, je travaille et je veille,
Non, pour de sons moelleux chatouiller ton oreille,
Ou chanter en vers doux de douces voluptés ;
Mais pour dire en vers durs de dures vérités.
Ces rustiques beautés qu’étale la nature ;
Ce ruisseau qui serpente, et bouillonne et murmure ;
Ces myrtes, ces lauriers, ces pampres toujours verts,
Et ces saules pleureurs et ces cyprès amers ;
D’un bosquet transparent la fraîcheur et l’ombrage,
L’haleine du zéphire et le tendre ramage
Des habitans de l’air, et le cristal des eaux,
Furent cent et cent fois chantés sur les pipeaux.
Ni les soupirs de Pan, ni les pleurs des Pleyades,
Ni les Nymphes des bois, ni les tendres Nayades,
Ne seront de mes vers le thème et le sujet :
Je les ferai rouler sur un plus grave objet :