Tel est riche en biens-fonds, et n’a qu’un seul enfant ;
Pour un écu par mois, ou six piastres par an,
Assez, pour son état, il peut le faire instruire ;
Mais son curé n’a pu, jusqu’à présent, l’induire,
Ni par sages discours, ni par graves raisons,
Ni par avis privés, ni par communs sermons,
À faire pour son sang ce léger sacrifice ;
Dominé, maitrisé par sa rustre avarice,
« On se passe, » dit-il, « de grec et de latin
« Bien plus facilement que de viande et de pain : »
Ces mots semblent jurer avec son ignorance ;
(Où les a-t-il appris ?) « une telle dépense,
« Un tel déboursement mettrait ma bourse à sec. »
Insensé, s’agit-il de latin et de grec ?
N’est-ce pas le français que ton fils doit apprendre ?
Réponds, et ne feins pas de ne me point entendre :
Si jusqu’à la science il ne peut pas monter,
Qu’il sache donc, au moins, lire, écrire et compter.
Il rit du bout des dents, et garde le silence :
L’avarice l’emporte, il n’est plus d’espérance.
Il neige, il grêle, il gèle à fendre un diamant ;
On arrive en janvier : un avare manant,
Voyant qu’au temps qu’il fait le marché sera mince
Prend un frêle canot, et se met à la pince,[1]
De la Pointe-Lévy traverser à Québec,
En ce temps, c’est passer la Mer Rouge à pied sec.
Qu’arrive-t-il ? pour vendre une poularde, une oie,
Au milieu des glaçons, il perd tout et se noie.
- ↑ On se sert de ce terme, dans ce pars, pour désigner la proue, ou le devant d’un canot.