Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/26

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Voilà souvent à quoi porte la jalousie :
Ce n’est pas médisance, ici, c’est calomnie.
« Mon voisin Philaris s’enrichit, » dit Médor ;
« Je ne sais pas, ma foi, d’où lui vient tout son or ;
« Autant, ou mieux que lui, j’entends la marchandise ;
« Et c’est toujours chez lui qu’en voit la chalandise.
« Il faut qu’il soit fripon, ou bien qu’il soit sorcier :
« Autrefois, je l’ai vu pauvre et petit mercier ;
« Le voilà gros bourgeois, pouvant rouler carosse ;
« Pour le moins, aussi fier qu’un enfant de l’Écosse ;
« Tandis qu’il faut que moi je me promène à pié.
« Philaris fait envie, et moi, je fais pitié :
« J’enrage, de bon cœur, voyant l’or qu’il entasse. »
Médor, sais-tu pourquoi ton voisin te surpasse ?
C’est que, sans être avare, il règle sa maison
Avec économie, et selon la raison :
Sa richesse par-là promptement s’est accrue.
 Cet homme qu’on rencontre à chaque coin de rue,
Devant vous toujours prêt à vous faire plaisir,
À l’ouir, vous diriez qu’il n’a d’autre désir
Que votre intention, votre dessein prospère.
« Oui, vous réussirez ; je le crois, je l’espère ;
« Et si, par quelque endroit, je pouvais vous servir… »
Partez d’auprès de l’homme, ou laissez-le partir :
« Il croit venir à bout de sa folle entreprise. »
Dit-il, « fut-il jamais pareille balourdise ?
« C’est un homme sans fonds, sans appui, sans talens ;
« En vérité, je crois qu’il a perdu le sens. »