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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/34

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« Pourquoi ne pas dormir, lorsqu’on n’a rien à faire ?
C’est là du fainéant le prétexte ordinaire.
« C’est pour passer le temps. » Non, c’est pour le tuer :
À savoir l’employer il faut s’habituer.
Le temps passe assez vite : écoutez tout le monde :
« Qu’est-ce le temps, » dit-on ? « une vapeur, une onde,
« Qui s’écoule, et qu’on voit disparaître à l’instant ;
« L’éclair, qui naît et meurt, presque au même moment,
« Et dont à peine on a pu sentir la présence. »
Par la bonté des Dieux, la terre en abondance
Pour le besoin de l’homme, ou son plaisir, produit
Mainte herbe, mainte fleur, mainte plante, maint fruit :
Sans offenser le Ciel on peut en faire usage ;
S’en priver volontiers même serait peu sage ;
Car il faut distinguer l’usage de l’abus,
Et les plaisirs permis, des plaisirs défendus :
Bien user, c’est sagesse ; abuser, c’est folie.
Malheur au siècle où naît un perfide génie,
Qui du système humain changeant l’ordre et la loi,
Des dons de la nature intervertit l’emploi ;
Sur un dépôt sacré porte une main coupable,
Ou donne au genre-humain un conseil exécrable.
L’un de la canne à sucre a fait couler le rhum ;
Un autre du pavot a tiré l’opium :
L’un ou l’autre poison, en produisant l’ivresse,
Ou fait naître, ou nourrit, ou mûrit la paresse.
L’opium engourdit le Turc et le Persan,
Le Tartare et l’Indou, l’Arabe et le Birman.