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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/35

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Le rhum, en nos climats, fait d’horribles ravages,
Et, sous tous les rapports, cause d’affreux dommages :
Que de jeunes gens morts, pour en avoir trop pris !
Combien d’autres n’auront jamais les cheveux gris,
Si, malgré tant d’avis, de malheureux exemples,
Ils en prennent encore à mesures trop amples.
Ou qui, souvent, de jour, de nuit, se répétant,
Font que chez eux l’ivresse est un état constant,
Reconnu, dès l’abord, à leur simple apparence
Omettant, si l’on veut, le surcroît de dépense
Qu’un acharné buveur apporte en sa maison,
De lui, de plus en plus, s’éloigne la raison ;
De jour en jour, à tout il se rend moins habile ;
Et dans le monde, enfin, devient plus qu’inutile.
En effet, l’homme gris, du matin jusqu’au soir,
Pourrait-il proprement remplir quelque devoir,
Exercer quelque emploi ; se tirer avec gloire
D’un travail exigeant du sens, de la mémoire ?
Non, n’ayant plus, alors, ni les membres dispos,
Ni le cerveau rassis, ni l’esprit en repos,
Il est nul, incapable. En un mot, un ivrogne,
S’il est tel d’habitude, et, surtout, sans vergogne,
Doit être, tôt ou tard, éconduit, bafoué,
Et peut-être, de plus, sur la scène joué,
En butte à tous les traits de l’esprit satirique.
Pour servir la Paresse encore, en Amérique,
Viziliputzili[1] fit croître le tabac.
L’indolent Méxicain, juché dans son hamac,

  1. Principale divinité des Méxicains. Quelques auteurs écrivent Vizliputzli ; d’autres, Viziliputzli ; d’autres, enfin, Vizilipuzili. J’ai choisi l’orthographe qui convenait à mon vers.