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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/36

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(De notre campagnard modèle et prototype,)
Avalant, à longs traits, par un tube, une pipe,
La vapeur et l’esprit d’un suc assoupissant,
S’enivrait de fumée, et s’endormait content.
La pipe, au Canada, produit un grand dommage ;
Y tient trop souvent place et d’étude et d’ouvrage.
Passez-vous par les champs, dans le temps des moissons,
Vous entendez, partout : « Allumons ! allumons ! »
Aussitôt fait que dit ; mais pendant qu’on allume,
Et qu’on fume, le fer refroidit sur l’enclume.
Chez notre laboureur, cinquante fois le jour,
Et le sac à tabac et la pipe ont leur tour :
Il fume, en se levant, fume, quand il se couche ;
En un mot, à toujours une pipe à la bouche,
Comme n’ayant, du tout, affaire qu’à fumer.
C’est aimer un peu trop à flairer, à humer
La fumée, à son dam : car le feu de la pipe,
Tombant sur une paille, une feuille, une ripe,
Allume un incendie affreux, et très souvent,
D’un riche agriculteur fait un homme indigent.
Naguère, à Tabager advint malheur étrange :
« Allons, » dit-il, un jour, « visiter notre grange,
« Et voir, un peu, jusqu’où se monte notre bien. »
(C’était un jour de fête, il ne s’y faisait rien.)