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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/37

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Sa grange, de froment contient six mille gerbes ;
Son orge, son aveine et ses pois sont superbes :
Il tressaille de joie, en contemplant le tout.
« Je vais, enfin, remplir mon coffre, pour le coup ;
« À mille individus je puis fournir des vivres ;
« Le beau bled, cet hiver, vaudra bien quinze livres ;
« Et douze cents minots, si je ne me méprends,
« Si je sais bien compter, font dix-huit mille francs ; »
Dit-il, en crayonnant sur un morceau de brique ;
(Tabager connaissait, un peu, l’arithmétique,)
« Mille minots de pois feront deux mille écus ;
« Mon orge me vaudra, j’en suis sûr, encor plus ;
« Oui, je surpasserai mon voisin Latulipe.
Ce disant, il aveint son briquet et sa pipe,
Et sa pierre et son tondre, et bat, et s’asseyant ;
Il compte, il rêve, il fume, et s’endort, en fumant.
Mais la pipe allumée, échappant de sa bouche,
Se vide sur le foin, qui lui servait de couche :
Il s’éveille en sursaut, et voyant tout flambant,
Il se lève, bondit, et se sauve, en criant :
« À l’incendie ! au feu ! » C’est inutile peine :
Son orge, son froment, ses pois et son aveine,
Et sa grange, tout brûlé, et l’homme, en un moment,
Voit sa gloire en fumée, et sa richesse au vent :
Tout est, en un instant, consumé par la flâmme.
La paresse, souvent, du corps passe dans l’âme :
Tel n’est pas paresseux pour orner sa maison,
Arroser son jardin, recueillir sa moisson :