Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/43

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Cherche, comme un furet, partout, à qui parler,
Rend malade quiconque il peut appateler ;
Dont la langue, en un mot, incessamment frétille,
S’il ne rencontre à qui pouvoir conter vétille.
Au regard vagabond, à l’abord effaré,
Un babillard, feignant d’être un homme affairé,
Vous fait croire, parfois, que, lorsque, dans la rue,
Sur vous, sans préalable, il se jette et se rue,
Vous saisit par le bras, ou vous prend au collet,
C’est qu’il se sent pour vous l’amour le plus complet,
Un égard qu’il refuse à l’ami plus vulgaire.
Mais si vous n’êtes point à son dessein contraire,
De ses propos sans fin vous serez assommé,
Et, sinon mort, mourant, par l’ennui consumé.
Quoiqu’il ne fasse rien, ne dise rien qui vaille,
Du fâcheux babillard la langue, au moins, travaille ;
Et je l’aime encor mieux que cet homme niais,
Qui voulant travailler, ne travaille jamais ;
Sur lui-même, toujours, se plie et se replie ;
S’il eut en vue un plan, risiblement l’oublie,
Pour voir battre des chats, ouïr un fol entretien.
Pendant que le musard perd son temps, la nuit vient :
À la barque arrivé trop tard pour le passage,
Par un plus long chemin il retourne au village ;
Voit toujours, trop tardif, ses projets ruinés ;
De partout se retire avec un pied de nez.